Le concert de musique de chambre
prévu ce 24 août 2010 au Mozarteum de Salzbourg devait initialement être
consacré par le Quatuor Hagen à deux quintettes pour piano, celui de Grazyna
Bacewicz, surtout celui de Schumann, avec Krystian Zimerman. Malade, le
pianiste qui avait déjà annulé son récital soliste quelques jours auparavant
devait malheureusement annuler également ce concert de musique de chambre. Le
Quatuor Hagen montait donc seul sur scène, dans un programme remodelé et
consacré finalement au Premier Quatuor de Leos Janacek, au Quatorzième de
Chostakovitch et à celui, rare, d’Edvard Grieg.
Le Premier Quatuor de Janacek,
qui date de 1923, est ainsi une œuvre de maturité d’un compositeur qui connut
le succès tardivement avec la création de son opéra Jenufa. Le titre donné à
cette pièce de Sonate à Kreutzer est
intéressant en lui-même, en ce sens que la première sonate à s’appeler ainsi
fut celle pour piano et violon bien connue de Beethoven, avant que ce titre ne
servît à un roman de Tolstoï et c’est à ce roman que le quatuor de Janacek fait
référence. Composé de quatre mouvements tous notés Con moto, après une introduction Adagio, c’est une œuvre dense et assez brève qui reprend les épisodes
de la nouvelle de Tolstoï de manière chronologique, jusqu’au meurtre final dans
le dernier mouvement.
Le Quatorzième Quatuor de
Chostakovitch, de 1972-1973, est une œuvre tardive pour ne pas dire
crépusculaire, également d’une rare densité dans sa brièveté. Avant-dernier
quatuor du maître soviétique, il précède immédiatement le Quinzième dont la
structure si particulière, composée de sept adagios successifs termine les
confessions intimes d’un artiste qui, s’il était adulé internationalement et
comblé d’honneurs chez lui, n’en avait pas moins été constamment en proie aux
peurs les plus vives de se retrouver broyé par un régime totalitaire
imprévisible. Miroirs intimes des quinze symphonies, les quinze quatuors à
cordes forment le plus important recueil en la matière après celui de
Beethoven, dont il atteint régulièrement aussi les sommets créateurs. L’œuvre
donnée ce soir est en trois mouvements, deux Allegretto entourant un Adagio
central.
La soirée se terminait sur le
Quatuor Opus 27 d’Edvard Grieg, de 1877, œuvre profondément romantique rarement
jouée, aux proportions beaucoup plus vastes que les deux précédents, mais aux
couleurs parfois aussi sombres. Le premier mouvement est marqué Un poco andante – Allegro molto ed agitato.
Le deuxième est une romance marquée Andantino-Allegro
agitato. Le troisième mouvement est un intermezzo, noté Allegro molto marcato – Più vivo e
scherzando. Le Finale s’ouvre Lento
et se conclut Presto al saltarello. Ce
quatuor est une lutte constante entre l’insatisfaction de l’auteur qui ne
reviendra pas au genre et son désir de perfection, une lutte de personnalité,
de celle qui rappelle un peu l’ambivalence d’un Schumann et son romantisme
aussi. Elevé à l’école de Leipzig, Grieg n’en reste pas moins un compositeur
profondément finlandais qui n’est jamais parvenu à se fondre dans les moules de
la musique classique en se cherchant un mode d’expression plus personnel. Le
choc entre des sentiments multiples, profonds et violents, essence même du
romantisme, donne à cette œuvre rare des couleurs qui nous font un peu penser
aux souffrances du jeune Werther.
Formation éminemment
salzbourgeoise, le Quatuor Hagen est composée des trois frères et sœurs Lukas
Hagen au premier violon, Veronika Hagen à l’alto et Clemens Hagen au violoncelle,
le second violon Rainer Schmidt complétant la formation. Tous sont non
seulement de Salzbourg, mais enseignent également au Mozarteum. D’un
exceptionnel niveau technique, cette formation a systématiquement adopté des
tempi très allant dans l’ensemble des œuvres jouées ce soir, le tout dans un
jeu d’une profonde intensité qui laissait peu de place à l’intériorité. L’on
aurait ainsi préféré plus d’introspection dans le quatuor de Chostakovitch et
prendre davantage notre temps dans celui de Grieg, aux indications si
contrastées. Les mélodies semblent toujours un peu corsetées dans ce jeu sans
concession et l’on trouve peu d’espace pour respirer réellement.
27 août 2010
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Remarque : Seul un membre de ce blog est autorisé à enregistrer un commentaire.