dimanche 19 avril 2015

EINE GROSSE NACHTMUSIK : LA SEPTIEME DE MAHLER PAR RATTLE


Comme l’an passé, c’est sur un concert des Berliner Philarmoniker sous la direction de Sir Simon Rattle que j’ai terminé mon séjour salzbourgeois et comme l’an passé, ce fut une apothéose. Après avoir entendu deux soirs de suite le Chicago Symphony Orchestra sous la direction fascinante de Riccardo Muti, l’on se disait que l’on avait entendu le meilleur orchestre du monde, quoi qu’une telle expression puisse vouloir signifier. Les Berliner demeurent malgré tout une classe en dessus. Heureusement qu’ils clôturent le festival. Qu’entendre sinon après eux ?
Au programme de ce premier concert – le seul que j’aie pu voir, le dimanche 28 août 2011 au soir, la Septième Symphonie  de Gustav Mahler. Composée en 1904-1905, Mahler a commencé par les deux Nachtmusiken, alors même qu’il travaillait encore à la Sixième Symphonie, fait rarissime pour lui que de travailler ainsi en parallèle sur des symphonies. C’est l’année suivante, durant l’été traditionnellement consacré à la composition qu’il composa les trois autres mouvements et eut beaucoup de mal à les lier aux deux premiers. Il est vrai que ces « deux Andante », comme le compositeur les qualifie lui-même dans une lettre à son épouse, Alma, sont d’une nature particulière dans l’œuvre de Mahler. D’un plan parfaitement symétrique, un Scherzo central, entouré des deux Nachtmusiken, et les deux mouvements extrêmes, le premier marqué Langsam (Adagio). Nicht schleppen-Allegro risoluto, ma non troppo, et le Rondo-Finale. Tempo I (Allegro ordinario)-Tempo II (Allegro moderato ma energico). Les trois morceaux intermédiaires constituent une unité en eux-mêmes, quasiment de même dimension que les deux mouvements qui, traditionnellement, donnent le message de l’œuvre. Mahler a ressenti ici la nécessité de se détourner du pessimisme de la Sixième Symphonie, comme de la douleur sauvage de la Cinquième, pour trouver un monde plus poétique, une nuit illuminée que pourrait chanter Eichendorff. Cette nuit est plus un thème d’ensemble qu’un programme. Le titre de Grosse Nachtmusik donné au concert par le programme de la soirée était ainsi parfaitement juste. Willem Mengelberg, dans ses notes laissées sur sa partition a porté une référence à la Ronde de nuit de Rembrandt, décrivant ainsi, non pas une description musicale du tableau mais une marche avec des clair-obscur fantastiques. Bruno Walter voyait quant à lui en cette Septième Symphonie l’œuvre la plus objective de Mahler. C’est peut-être la moins populaire de ses symphonies et pourtant, à mon goût, l’une des plus belles, capable de servir d’écrin aux amours de Tristan et d’Isolde.
A ce jeu, Rattle est maître de nos nuits, lui qui avait gravé il y a déjà quelques belles années, une version de référence de cette œuvre, alors avec son orchestre de Birmingham, y revient maintenant en ouverture de saison à Berlin et à Salzbourg. Le geste est simple mais la tension intense. Vrai chef malhérien, il est capable de parer cette nuit romantique de couleurs somptueuses, en parfaite symbiose avec cet orchestre qu’il a fait sien et avec les musiciens desquels on sent un complet partage. C’est Eichendorff qui nous lisait Mahler dans ces clair-obscur d’une si subtile gamme romantique. Si l’an passé le chef nous présentait les pièces pour orchestre de Schönberg, Berg et Webern comme une hypothétique onzième symphonie de Mahler, faisant sonner la seconde Ecole de Vienne de manière plus postromantique que révolutionnaire, il confirmait ce soir, avec cette œuvre qui est généralement perçue comme la source d’inspiration de la Symphonie de chambre opus 9 de Schönberg, l’ancrage des langages à venir.
2 octobre 2011

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