mercredi 13 août 2014

NOTTURNO


Thomas Hampson a récemment publié un album de Lieder de Richard Strauss, intitulé Notturno, du titre de l’opus 44/1 du compositeur, un ample Lied à l’accompagnement de piano et de violon, rarement donné. Il reprenait ce 31 juillet 2014, à la Haus für Mozart de Salzbourg, le même programme, avec les mêmes accompagnateurs, Wolfram Rieger au piano et Yamei Yu au violon.
Un programme composé entièrement de Lieder de Richard Strauss s’imposait naturellement en cette année de cent cinquantième anniversaire de la naissance du fondateur du Festival. Ouvrant son programme sur un texte tiré de Des Knaben Wunderhorn qui a également largement inspiré Gustav Mahler, Himmelsboten, opus 32/5, parle à Lune dont la lumière se cache dans la nuit, évoquant les figures de Phébus et de Lucifer. L’invitation secrète à l’ivresse partagée, Heimliche Aufforderung, opus 27/3, sur un texte de John Henry Mackay, souligne le souhait de quitter les convives pour se retrouver dans un jardin de roses : « Und wandle hinaus in den Garten zum Rosenstrauch/ Dort will ich dich dann erwarten nach altem Brauch/ Und will an die Brust dir sinken, eh du’s gehofft, / Und deine Küsse trinken wie ehmals … ».
Une agréable vision rappelle ensuite que la paix peut ne pas n’être qu’un rêve et que marcher aux côtés de l’être aimé reste un plaisir fondamental (Freundliche Vision, opus 48/1), avant que le crépuscule ne nous emporte dans le pays de l’amour (Traum durch die Dämmerung, opus 29/1), deux Lieder sur des textes de Otto Julius Bierbaum. La nuit suivait, éteignant toutes les lumières des arbres et des bois (Die Nacht, opus 10/3). Dans la glace de l’hiver et sur un texte d’Adolf Friedrich Graf von Schack, Strauss met en musique le silence du cœur dans le froid de la vieillesse et bientôt de la mort, ne percevant plus que de très loin les sons du printemps (Mein Herzi st stumm, mein Herzi st kalt, opus 19/6).
Comment enchaîner autrement qu’avec Sehnsucht, opus 32/2, qui part d’un cheminement solitaire vers l’être aimé pour terminer sur un simple « ich liebe dich » plein d’émotion. La libération mutuelle des souffrances par le don de la vie ramène au monde l’être aimé (Befreit, opus 39/4), mais demain le soleil luira de nouveau et réunira les amants sur une terre qui respire : « Und morgen wird die Sonne wieder schienen/ Und auf dem Wege, den ich gehen werde, / Wird uns, die Glücklichen, sie wieder einen, / Inmitten dieser sonnenatmende Erde » (Morgen !, opus 27/4).
A l’entracte déjà nous sortions transporté par l’élégance du chant et la profondeur de la voix, puissante, le timbre chaleureux parfaitement accompagné, qui a fait le succès et la carrière de Thomas Hampson et certaines dames n’hésitaient pas à rappeler que ma foi, il restait encore fort bel homme ce chanteur à succès. Nous revenions ensuite pour ce long Notturno, opus 44/1 : « So müd hin schwand es in die Nacht, sein flehendes Lied, / sein Bogenstrich, / und seufzend bin ich aufgewacht… ». Avec le violon de Yamei Yu, le chant portait haut la lune dans les cieux nocturnes (et particulièrement pluvieux cette année) de Salzbourg, emplissait le vide de la nuit et se dispersait dans les lourds nuages de la mort de l’ami. Magnifique ballade dont la longueur permet à Thomas Hampson de travailler les atmosphères et les couleurs, s’appuyant sur le piano et souligné par le violon, dont la mélodie apporte un caractère éthéré au chant.
Sur des poèmes de Friedrich Rückert, lui aussi cher à Mahler, Strauss composait ensuite un Lied approchant le grand âge mais tourné vers la jeunesse (Vom künftigen Alter, opus 87/1), le vieillard souhaitant du soir au matin et à travers les nuits nous chanter la jeunesse et les peines de l’amour. Und dann nicht mehr (opus 87/3) je ne l’ai vue qu’une seule fois puis plus jamais. Qu’il était néanmoins beau de terminer sur l’idée qu’une heure encore pouvait luire le soleil, qui nous permet de récupérer de la douce fatigue de la vie, « die Lust, den Gram der Erde nun auszuheilen im Sonnenschein » (Im Sonnenschein, opus 87/4).
2 août 2014.

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