dimanche 19 avril 2015

LE QUATUOR HAGEN SANS KRYZTIAN ZIMERMAN


Le concert de musique de chambre prévu ce 24 août 2010 au Mozarteum de Salzbourg devait initialement être consacré par le Quatuor Hagen à deux quintettes pour piano, celui de Grazyna Bacewicz, surtout celui de Schumann, avec Krystian Zimerman. Malade, le pianiste qui avait déjà annulé son récital soliste quelques jours auparavant devait malheureusement annuler également ce concert de musique de chambre. Le Quatuor Hagen montait donc seul sur scène, dans un programme remodelé et consacré finalement au Premier Quatuor de Leos Janacek, au Quatorzième de Chostakovitch et à celui, rare, d’Edvard Grieg.
Le Premier Quatuor de Janacek, qui date de 1923, est ainsi une œuvre de maturité d’un compositeur qui connut le succès tardivement avec la création de son opéra Jenufa. Le titre donné à cette pièce de Sonate à Kreutzer est intéressant en lui-même, en ce sens que la première sonate à s’appeler ainsi fut celle pour piano et violon bien connue de Beethoven, avant que ce titre ne servît à un roman de Tolstoï et c’est à ce roman que le quatuor de Janacek fait référence. Composé de quatre mouvements tous notés Con moto, après une introduction Adagio, c’est une œuvre dense et assez brève qui reprend les épisodes de la nouvelle de Tolstoï de manière chronologique, jusqu’au meurtre final dans le dernier mouvement.  
Le Quatorzième Quatuor de Chostakovitch, de 1972-1973, est une œuvre tardive pour ne pas dire crépusculaire, également d’une rare densité dans sa brièveté. Avant-dernier quatuor du maître soviétique, il précède immédiatement le Quinzième dont la structure si particulière, composée de sept adagios successifs termine les confessions intimes d’un artiste qui, s’il était adulé internationalement et comblé d’honneurs chez lui, n’en avait pas moins été constamment en proie aux peurs les plus vives de se retrouver broyé par un régime totalitaire imprévisible. Miroirs intimes des quinze symphonies, les quinze quatuors à cordes forment le plus important recueil en la matière après celui de Beethoven, dont il atteint régulièrement aussi les sommets créateurs. L’œuvre donnée ce soir est en trois mouvements, deux Allegretto entourant un Adagio central.
La soirée se terminait sur le Quatuor Opus 27 d’Edvard Grieg, de 1877, œuvre profondément romantique rarement jouée, aux proportions beaucoup plus vastes que les deux précédents, mais aux couleurs parfois aussi sombres. Le premier mouvement est marqué Un poco andante – Allegro molto ed agitato. Le deuxième est une romance marquée Andantino-Allegro agitato. Le troisième mouvement est un intermezzo, noté Allegro molto marcato – Più vivo e scherzando. Le Finale s’ouvre Lento et se conclut Presto al saltarello. Ce quatuor est une lutte constante entre l’insatisfaction de l’auteur qui ne reviendra pas au genre et son désir de perfection, une lutte de personnalité, de celle qui rappelle un peu l’ambivalence d’un Schumann et son romantisme aussi. Elevé à l’école de Leipzig, Grieg n’en reste pas moins un compositeur profondément finlandais qui n’est jamais parvenu à se fondre dans les moules de la musique classique en se cherchant un mode d’expression plus personnel. Le choc entre des sentiments multiples, profonds et violents, essence même du romantisme, donne à cette œuvre rare des couleurs qui nous font un peu penser aux souffrances du jeune Werther.
Formation éminemment salzbourgeoise, le Quatuor Hagen est composée des trois frères et sœurs Lukas Hagen au premier violon, Veronika Hagen à l’alto et Clemens Hagen au violoncelle, le second violon Rainer Schmidt complétant la formation. Tous sont non seulement de Salzbourg, mais enseignent également au Mozarteum. D’un exceptionnel niveau technique, cette formation a systématiquement adopté des tempi très allant dans l’ensemble des œuvres jouées ce soir, le tout dans un jeu d’une profonde intensité qui laissait peu de place à l’intériorité. L’on aurait ainsi préféré plus d’introspection dans le quatuor de Chostakovitch et prendre davantage notre temps dans celui de Grieg, aux indications si contrastées. Les mélodies semblent toujours un peu corsetées dans ce jeu sans concession et l’on trouve peu d’espace pour respirer réellement.
27 août 2010

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